Vive les clonettes du célèbre clone François !
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Vive les clonettes du célèbre clone François !

  Société

01/11/1998

L
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es riches qui deviennent plus riche et des pauvres de plus en plus nombreux. Chaque année le PNUD délivre ce constat insuportable sans que rien ne change.
28/07/1999
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'Accord Multilatéral sur les Investissements met en danger notre indépendence face au groupes multinationaux. Les états laisseront-ils ces groupes décider en lieu et place des citoyens?
16/12/1998
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  Entretien avec Michel Aglietta
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28/11/1998
D
  Vive les clonettes du célèbre clone François !
e l'avenir du clone...
Le pin's "touche pas à mon clone" est en cours de fabrication. Quel droit régira les rapports entre modèle et cloné?
14/11/1998

A en croire la rumeur publique il semblerait que se dessine une mode qui consiste à banaliser le clonage humain sous prétexte que la créature ainsi créée pourrait servir de banque d'organes à un maître-modèle dit aussi, évidemment l'"Homogènes". Excellente, bonne, merveilleuse, extraordinaire et géniale idée servit par quelques arguments d'une profondeur pour le moins philosaufique et humaninitaire.

La situation de GéGé, clone de son état est à ce sujet édifiante. Certains le perçoivent comme un être dénué de conscience et uniquement destiné à être une roue de secours ou un magasin d'accessoires. Tu parles d'un statut social ! Non-statut qui ne va pas évidemment sans lui poser quelques problèmes existentiels. Il est regardé comme un simple robot biologique parlant, un bête robot sans avenir, un être sans histoire, simple calque animé redevable d'une vie. L'irresponsable oublie que Gérard a grandit dans une famille ! GéGé est allé à l'école (on se demande pourquoi ! L'acquit aurait-il quelques conséquences sur les cellules à vocations greffables ?). Il a une vie sociale, des copains et même une petite amie fécondable. C'est vous dire s'il a des raisons d'être heureux. Ce qu'il porte en permanence au-dessus de la tête n'est pas une auréole mais un scalpel de Damoclès car son Homogènes ou vieux-modèle (pléonasme) lui demandera peut être demain de se soumettre à une opération chirurgicale importante sinon mortelle. Lui prendra-t'on sa rate ? Ses yeux ? Son foie ? Ses incisives ? La vie de GéGé est passionnante coincée entre cette conception acoïtale et sa mort en mille lambeaux.

La déshumanisation du clone rend l'humanité supposée de l'autre, de l'homme, du modèle, de l'original, du fondamental, du patrimoine, uniquement dépendante de la technique qui fut employée pour le concevoir. Copie conforme l'une de l'autre, seul le coït fondateur les sépare (subtile réhabilitation de la sexualité procréatrice seule apte à donner naissance au petit dieu dont une cellule prélevée sur une côte pourrait donner naissance à un autre).
Cette déshumanisation, véritable déni d'humanité ne va pas sans inquiéter le quidam observateur sceptique.

Verra-t'on des manifestations de clones en colères ?

Inventeront-ils une ONG spéciale destiné à défendre cette race à part non identifiable par la couleur de la peau ou par une quelconque spécificité génétique mais par un acte dont ils ne sont pas responsables ? Une race virtuelle. De la même manière qu'il y a les "français de papier, les "humains d'éprouvettes" y aura-t'il les "clomanoïdes" ? Le SIDC ( Syndicat Intercontinental de Défense des Clones) aura la charge de défendre leur intégrité et leurs droits car mille situations amusantes se produiront qui donneront du travail aux juristes de l'avenir.
Le clone malade pourra-t'il se faire lui-même cloner pour préparer le remplacement de ses organes importants cédés au maître-patrimoine ?
Si oui, ce clone de deuxième génération sera-t'il légitime ?

Quelle sera la nouvelle définition de l'enfant de plein droit ? Celui sexuellement conçu par ses deux parents ensemble ? On imagine que toutes les déclinaisons possibles à partir de ce cas de figure devront être codifié.
Quels seront les problèmes d'héritages concernant le clone du père porté par la mère dont il n'est pas l'héritier génétique ?
Et les rapports avec les enfants faux-frêres-et-soeurs ? Auront-ils les mêmes prérogatives ?
Et puis il y aura le cas rigolo, antédiluvien gag de l'arroseur arrosé, du clone victime d'un accident de la route qui demandera à un tribunal de statuer sur sa demande d'organe à son homogènes.
Autorisera t'on les mariages entre clone et non-clones ?
L'individu narcissique aura-t'il encore besoin d'une psychée ?
Les relations homosexuelles entre deux clones de même origine seront elle incestueuses ?

Une mère porteuse d'elle-même ! Whoaouh ! Le scoop. Néanmoins on peut envisager un conflit avec sa fille-elle-même quand le mari-amant-compagnon-concubin prit d'un soudain démon de midi séduira l'enfant sans qu'il y ait inceste.
Et pour le cinéma et les cascades c'est génial ! On produira une série de comédiens qui pourront se remplacer les uns les autres. Les cascadeurs ? Plus de problème !!! Cassés ? Remplacés !

Mais qu'en sera-t'il pour l'homme normal ? Probablement vivra t'il un drame total. Ce sera la fin du rêve pour l'insatisfait de la vie. Celui qui, rempli jusqu'à ras bord de frustration, se fera cloner pour vivre par procuration ce qu'il n'a pas su être. Oui, fin du rêve quand le clone chéri subira les mêmes tropismes que son modèle et offrira en spectacle l'image d'une vie ratée répétée. Fin du rêve également quand le clone chéri prendra toutes les tangentes que l'homogènes n'avait pas osé emprunter avant de transformer en destin et volonté ces non-choix lasurés par la mémoire, oubliant que bien souvent hasard et opportunisme sont les bâtisseurs d'une vie. L'aigri face au prégris ! Fin du rêve pour l'un, oui, mais début du cauchemar pour le gamin qui aura devant les yeux non son parcours futur mais ses stigmates ...

Le dernier clone sera le clone sans modèle vivant car mort depuis plus ou moins longtemps. Ainsi l'une des peines applicables aux meurtriers pourrait être de financer le clonage de leurs victimes. Situation facilement généralisable : telle marque automobile pourrait prendre en charge le clonage de telle victime, morte sous un pont !
L'homme malheureux sera l'apprenti sorcier qui se régalera à jouer à ce plus vieux jeu de l'histoire qui consiste à la réécrire. Ah ! Ce championnat du monde tronqué par la mort de Senna, rejouable enfin, et puis Bob Beamon sera-t'il meilleur que Carl Lewis, et puis les contingences sociales sont-elles les véritables raisons qui poussèrent tel ou tel criminel à agir de la sorte ? Si Hitler était né à Belleville aurait-il été Hitler ? Autant de questions qui ne mérite aucune réponse.
Quelle instance décidera des autorisations de clonage ? On imagine la demande de Marc Dutroux examinée de très près !!! Par qui ?
Un seul droit régira les rapports entre modèle et cloné, ce sera celui d'aînesse (réminiscence), celui de "primo-conceptur". Le premier dans le temps sera le premier en droit (L'histoire n'a pas encore inventé la roue libre et pédaler en arrière est toujours possible !)

Le pin's "touche pas à mon clone" est en cours de fabrication, il représente un visage blanc avec un nez rouge, des yeux maquillés de noir et porte des cheveux verts. Il rit jaune devant le péril qui s'annonce, devant cette tendance morbide à la purification totale, non plus d'une race mais d'une filiation et dans cette filiation celle d'un sexe qui avec les progrès de la science génétique s'érigera en porte drapeau de la filiation statique mais génétiquement retouchable.
L'altérité encensée ne cache plus qu'une quête de soi exacerbée par l'époque qui doute. "L'autre" est accepté au bout du portable, loin des yeux qui ne supportent plus que le semblable : recherche de soi-même dont la rencontre avec autrui n'est plus l'argument principal. La rencontre risquée ou la solitude aride (fui comme la peste) sont remplacées par un ersatz des deux, une altérité qui n'en est pas une et une mauvaise imitation de la solitude - moi avec moi, mais moi hors de moi, moi devant moi mais moi sans moi -.

C'est ainsi que la réflexion de GéGé "c'est quand qu'on s'mélange" dite à la jeune fille rosissante et gironde prend enfin toute sa dimension, n'ayons pas peur des mots, sa dimension métaphysique. C'est la revanche pied de nez de l'Auguste clone.
Nicolas Woerner © le Soleil se lève à l'Est - 14/11/1998 - Ville de Talange - Nauroy-Rizzo - micro-Momentum