Histoires parallèles
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Radio : du monopole d'état au monopole $.

L'histoire de la libéralisation des médias en France et en particulier de la radiodiffusion, permet de comprendre par analogie l'évolution rapide d'internet.
Du monopole d'état au monopole de l'argent

Histoire synthétique

. 2 juillet 1970 : Conférence de presse de Georges Pompidou :
« L'ORTF est la voix de la France ».


. 4 juin 1978 : Création à Lyon de la Fédération nationale des radios libres (FNRL).

. 7 juin 1978 : Jean-Philippe Lecat fait voter une loi interdisant les émissions radio sans autorisation.

Ministres de l'information depuis 1960

. Louis Terrenoire : 5/2/60

. Alain Peyrfitte : 15/4/62

. Yvon Bourges : 8/1/66

. Yves Guéna : 31/5/68

. Joël Le Theule : 12/7/68

En 69 avec la victoire de Pompidou et le gouvernement Chaban-Delmas le ministère de l'information est supprimé, la radiotélévision est directement sous le contrôle du Premier ministre.
. Philippe Malaud, secrétaire d'état à la fonction publique chargé de l'information : 5/7/72

. Jacqueline Baudrier ministre de l'information : 4/1973

. Jean Philippe Lecat : 23/10/73

Avec le gouvernement Raymond Barre, la tutelle de la radiotélévision est réatribuée au premier ministre: 28/8/76
. Jean Philippe Lecat ministre de la culture et de la communication : 6/4/78

A la fin des années soixante-dix la radio française était encore une radio d'état, une radio nationale, une voix au service du pouvoir (création en 1963 de France Inter). Même si les radios « périphériques » existaient (Europe 1, RMC, RTL) et malgré une liberté relative (évocation de la torture pendant la guerre d'Algérie) la menace de la censure pesait en permanence sur leurs épaules. On sait également comment depuis 1964 (date de la création de l'ORTF) certaines de ces radios périphériques étaient également contrôlées par l'état via la Sofirad (Société financière de radiodiffusion). Cette petite liberté dont elles bénéficiaient pu s'exercer en particulier en 1968 où elles vécurent les manifestations au plus prêt du terrain, directement sur les barricades. Elles y gagnèrent une réputation d'efficacité dans l'information qui ne fut pas sans conséquence sur le personnel de l'ORTF : grève du 13 mai au 23 juin 1968.

Parallèlement à ce système figé, existaient déjà des radios pirates dans d'autres pays (Véronica aux Pays bas en 1960, radio Caroline en Grande Bretagne en 1966). Ce n'est qu'en 1977 avec Radio Verte que naquit la première radio pirate en France, suivi de Radio Fil Bleu. 1979 vit naître Radio Lorraine Coeur d'Acier qui durera 17 mois et Radio Riposte directement émise depuis le siège du parti socialiste, François Mitterrand alors premier secrétaire fut même inculpé (mis en examen) à cette occasion.

En 1981, l'arrivée de la gauche permis de briser le monopole par la loi du 29 juillet 1982 qui autorisa les radios libres à émettre. Le ministère de l'information avait par la même occasion été remplacé par un ministère de la communication tenu par Georges Fillioud le contesté.

Ce printemps de la liberté d'expression vit fleurir toute sorte de radios thématiques, associatives, revendicatives, politiques (comme Radio Libertaire) dont certaines ont conservé une image tenace dans la mémoire collective : Radio Carbonne 14 (avec Supernana et Lafesse qui officie aujourd'hui sur canal +) en est un bon exemple. Puis vinrent en 1984 la loi autorisant la publicité sur les radios privées et en 1986 les radios qu'on appelle encore périphériques sur la bande FM.
Et la guerre commença !

Si successivement les « haute autorité », « CNCL » et « CSA » prétendirent gérer ce système, il est aujourd'hui totalement dépendant du marché publicitaire et de l'argent des actionnaires car ces radios comme la plupart des journaux et télés appartiennent à des groupes de communications tentaculaires.
Les bien connus : Lagardère(Europe1, Europe2, RFM et à travers Europe Régies (publicité) contrôle également, Skyrock, BFM) , Suez-Lyonnaise des eaux (coditel, electrabel, cybercâble (1° cablo-opérateur en France), M6, Paris première, TPS), Bouygues (TF1, LCI, TPS) etc.
Des groupes régionaux : Centre France, La dépèche du Midi
Un journal familial lorrain résiste toujours : Le Républicain Lorrain
Une autre réalité nauséabonde est celle de ces journaux régionaux qui à la libération, saoulé de une liberté retrouvée se collèrent des «libéré», «libre», «liberté» en top de première page. Journaux qui aujourd'hui appartiennent tous aux mêmes immenses groupes au sein desquels ils ne sont que quelques pages dans des stratégies globales de domination industrielle et de recherche de monopole.

S'il existe malgré tout encore quelques radios de résistances qui bougent encore, la meilleure illustration de cette dérive est l'histoire de KPFA, radio américaine symbole de la contestation et de la contre-culture qui va probablement disparaître aujourd'hui, vendue au plus offrant, malgré un mouvement de soutien important.

En résumé

  • Les radios libres devinrent des radios autorisées.
    Les radios autorisées devinrent des radios sponsorisées.
    Les auditeurs devinrent des consommateurs recherchés.




Nicolas Woerner © le Soleil se lève à l'Est - 22/11/1999 - Ville de Talange - Nauroy-Rizzo - micro-Momentum