Dévots Devins à Davos
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Dévots Devins à Davos

C'est son 30ème anniversaire. Le 30ème anniversaire du Forum de Davos. Depuis 30 ans des décideurs se retrouvent dans cette station de ski huppée pour essayer d'élaborer les nouvelles règles de fonctionnement du monde. Il n'est pas innocent que cette rencontre ait lieu en Suisse, l'un des rares pays à n'être pas membres des Nations Unis. Nous sommes ici dans une rencontre a-étatique (a privatif). En effet, sur 188 pays membres de l'ONU il n'y en aura aucun si l'on considère que les 40 chefs d'états présents ne seront pas la bas pour représenter leur pays, mais seulement au titre des hommes d'influences. Ce sont les individus et uniquement les individus qui intéressent Davos (10 saunas, 1 jacuzzi, 1 piscine, 1 patinoire, 1 golf et 5 musées).
40 chefs d'état mais aucun état, 300 responsables politiques, mais aucun partis, 1000 dirigeants de firmes internationales qui « sont » les firmes.

On comprend ici l'inégalité entre les pouvoirs. Le dirigeant décide, l'homme politique rempli un mandat. Le dirigeant a les moyens d'influencer, l'homme politique, parle devant et regarde derrière les sondages et ses électeurs. A Davos le représentant est en position de faiblesse, le dirigeant est roi, il cherche des moyens pour diluer les organisations et désagréger les structures culturelles, politiques, sociales... dans la globalité nébuleuse. Son objectif est de ne plus avoir à considérer que des individus statistiquement et individuellement (exemple : grâce aux techniques de pistages opérant sur les réseaux) identifiables. L'individu est une entité manipulable, l'isoler le rend vulnérable, l'isoler des corps sociaux constitués le rend très vulnérable.

L'homme politique est un alibi commode, heureux d'être invité parmi l'élite il parle fort du haut de son piédestal. Le peuple ne l'entend pas et ceux qui l'écoutent, les dirigeants, veulent sa fin, l'homme politique tout à sa mission n'en a pas conscience. Davos est un peu la gueule du loup pour les représentants des organisations. Le loup est si gentil qu'on le soupçonne d'être un renard malin, l'homme politique se jette dans sa gueule trop content d'être invité à skier gratos. La bête le vomit après l'avoir mâché. L'homme politique est content de sa performance, il pense même avoir vaincu. L'homme politique est un naïf.
A son âge confondre avoir et être est carrément une faute professionnelle !

Il existe de plus en plus de voix qui s'élèvent contre ce « shadow government », Viviane Forrester, Oncle Bernard, l'association ATTAC avec son site alterdavos, en sont quelques-unes unes. Il est peu probable qu'elles impressionnent Davos, pourtant Davos a peur, peur que des illuminés profitent de la concentration de matière grise sonnante et trébuchante pour répandre quelques bouffées de gaz sarin. Ainsi Davos a fournit un couteau suisse multilame à chacun des invités et a demandé à l'armée de protéger son forum. Si elle est aussi efficace que la solidité des coffres suisse on est tranquille pour leur santé physique !

Il était une fois dans un ashram des alpes connus sous le nom de Davos, des hommes de valeur qui parlaient une drôle de langue ; isolés, ascétiques, consciencieux, dévoués, ils prononcèrent les voeux de chastetés, silences et pauvretés. Ils pensaient le sort du monde entre leurs mains, ils y sont toujours, ils ne pensent plus, enfermés dans un coffre doré dont plus personne n'a la clé. A Davos les bonzes font du ski avec Bill Gates dans le rôle de Michel Blanc.
Nicolas Woerner © le Soleil se lève à l'Est - 23/01/2000 - Ville de Talange - Nauroy-Rizzo - micro-Momentum