L'internet : du réseau confidentiel à la star $$$
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L'internet : du réseau confidentiel à la star $$$

Qu'il est loin déjà le temps du réseau Arpanet, le temps où des universitaires échangeaient laborieusement des informations sur un réseau international, lent et inconnu sans programme convivial de navigation. Ils cultivaient alors avec fierté une culture communautaire d'initiés.

Les observateurs et les utilisateurs qui suivent depuis quelques années l'évolution de la toile auront remarqué le parallélisme (radio/réseau) des deux dérives. Si l'internet n'a pas connu la période « voix de son maître », la suite de l'évolution de la radiophonie ressemble à s'y méprendre à ce que vit le réseau actuellement et qui peut se résumer à deux mots : pub et regroupements.

L'observateur pessimiste ne peut s'empêcher d'imaginer une période « voix de son maître » provoquée par le perfectionnement des systèmes de surveillances du type Echelon et les possibilités de contrôles phénoménaux que la technique est en train d'offrir aux puissants. C'est un autre débat !

L'individu qui se connecte pour la première fois à l'internet est vite grisé par l'impression de disposer d'un pouvoir immense. Lui, l'individuel lambda devant son ordinateur (4999f en promotion) touche du bout des yeux l'encyclopédie du monde. Il peut s'intégrer, petit homme, au milieu de la toile et être l'égal de tous les autres.

Très vite il a envie de créer sa propre page web, peut-être même de s'associer avec des amis pour faire enfin ce dont ils rêvaient en douce mais que la lourdeur des moyens techniques ne permettait pas : de l'édition, de la promotion d'artistes, des échanges de plumes à écrire etc. Ainsi naissent de nulle part des milliers de sites d'associations divers, les cafés géographiques, les surréalistes, les amis des chiens branchés, les amateurs de fromages, les guitaristes etc.
Leur caractéristique, au delà de l'aspect exhibitionniste « à la petite semaine » que ne manque pas de stigmatiser les esprits chagrins, leur caractéristique première est d'offrir au surfeur quelque chose d'intime, une partie de soi, les secrets d'un groupe ou d'une tribu. On y trouve un don, une dimension « service public » étonnante, que ce soit celle des hackers de Colombey les deux Eglises, ou celle d'une association d'aide aux handicapés etc.

La principale difficulté pour tous ces sites concerne l'hébergement. Si les « providers » fournissent gratuitement des espaces de moins en moins limités ce n'est jamais gratuitement, ils « offrent » en contrepartie des bandeaux publicitaires à inclure dans les pages, ou demandent les coordonnées précises du client en vue de mailing ciblés.

Seul, Valentin Lacambre via altern continue contre vents et marées à proposer un hébergement gratuit sans publicité. On se souvient de l'affaire du printemps dernier concernant les photos d'Estelle Halliday nue qui révélèrent la fragilité de ce type de service soumis à la sanction pécuniaire. Nous avions à l'époque réagit violemment contre la décision de justice, décision qui était l'expression légale de la pression financière à laquelle est soumis le web.
Mettre un bandeau de pub sur son site n'est pas aussi anodin qu'il paraît. Ce procédé systématique crée une dépendance. Le mirage de l'enrichissement rapide et sans risque conduit le webmestre à se coller le bandeau sur le front de son site. Les discussions au sein des associations sont révélatrices des problèmes éthiques qu'elles rencontrent. La possibilité d'engranger quelques centimes à coût zéro transforme le rêve internet du village global, du réseau citoyen, du média accessible à tous, de la liberté sans limite en une tirelire virtuelle qu'il faut remplir en empilant les bandeaux de pubs. Le système ne va pas s'arranger avec les procédés de mesure d'audience des sites qui vont en baisser ou accroître la valeur.
Pour bien comprendre le système il est nécessaire de faire la différence entre six types d'entités visibles

Un clic c'est du fric (leitmotiv).

. l'individus qui fait sa propre page, page qui est le plus souvent « en construction »

. l'association qui utilise le web comme vitrine et quelquefois comme moyen. Ses ressources sont les cotisations des membres, des dons, l'abnégation, un webmestre-emploi-jeune ou un webmestre-chômeur, plus les ressources classiques des assos culturelles

. les entreprises qui ont une existence antérieure à celle de leur site et qui utilise le site comme « show room », souvent non commercial : la Cogema

. les entreprises qui ont une existence antérieure à celle de leur site et qui utilise le site comme seconde activité et développe le e-commerce : le regretté levi's, la plus part des journaux, la FNAC43 % des 100 premiers distributeurs britanniques ont crée leurs sites web, seulement 14 % offrent la possibilité de réaliser des transactions on-line ». Rapport Goldman Sachs sur le commerce électronique).

. les entreprises dont le web est la justification à leur activité. Cette dernière entité peut être séparée en 2 :
  • 1. les entreprises qui ont abandonné leur activité commerciale traditionnelle au profit de la vente exclusive sur l'internet.
  • 2. les entreprise qui se sont créées grâce à internet : foultitude de micro-entreprises ou monstres de la distribution, million de sites pornos dont l'unique objectif n'est pas de faire bander mais de faire cliquer !


Il est intéressant d'aller sur les sites des entreprises qui ont pignon sur web (amazon, ebay, microsoft, CNN, TF1 etc.) pour prendre conscience de l'importance de l'enjeu. Le commerce électronique est en train de coloniser le réseau et ces mastodontes en sont les pionniers pressés. En effet, la vitesse semble être leur principal axe de développement. Occuper une position inébranlable voilà l'unique objectif de ces entreprises.
Résistons pour que la néographie du monde virtuel ne soit pas vampirisée par cette seconde mondialisation, la colonisation rampante de l'autre monde par les multinationales du multimédia.




Nicolas Woerner © le Soleil se lève à l'Est - 22/11/1999 - Ville de Talange - Nauroy-Rizzo - micro-Momentum