L'internet n'a pas de centre. C'est la définition même du réseau, sa caractéristique majeure ! A ce titre il est le premier système totalement décentralisé à l'échelle mondiale.
.Le premier système sans tête.
.le premier système guillotiné
.le premier système révolutionnaire.
On sait que les jacobins du réseau existent, ils tentent de le réguler, de le domestiquer, de le canaliser pour des raisons principalement mercantiles souvent camouflées derrière un vernis humanitaire ou culturel. Nous avons déjà évoqué ce problème dans de précédentes chroniques.
Aujourd'hui c'est à un sentiment que nous consacrerons ce texte. Le sentiment d'être soi-même au/un centre du monde. Ce sentiment intense qui donne à croire au créateur d'une page personnelle qu'il est, à l'instar de n'importe qui, un citoyen bâtisseur du web. Il peut alors afficher sereinement sa réalité à travers une virtualité (ce n'est pas le moindre des paradoxes), conforter son existence physique, sociale, humaine par une représentation virtuelle. Il est sur l'internet. Il vit. Il existe. Il a la possibilité d'être informé d'un nombre de choses illimitées. Il converse, il envoie des mails, il dialogue avec «
son » visiteur, celui qui par hasard est tombé un jour sur sa page personnelle !
L'auteur de la page élimine progressivement son complexe de provincial-périphérique-indigène-bouseux qu'il ressentait intensément à la lecture des journaux, devant les émissions de télé et la marche du monde surmédiatisée.
Avant d'être sur l'internet, «
d'y être », des experts lui expliquaient comment fonctionnaient les choses, d'autres experts disaient ce qu'il fallait penser de ceci ou cela, des experts d'experts jugeaient le bien et le mal.
Notre ami, provincial de la Meuse ou de Belleville était donc un provincial diplômé par défaut d'expertise, un bleubite pour ce qui concerne la mode et ses idées.
Au-delà de l'aspect amusant, ce complexe du provincial est aigu, il touche nombre de personnes et provoque des frustrations importantes. Le centralisme traditionnel (administratif, artistique etc.) additionné à celui des médias donne du monde une image déformée par la polarisation extrême du lieu d'émission.
Ainsi Paris agit à l'échelle de la France comme une entité énorme qui, par sa masse et l'effet de gravité qu'elle entraîne détourne et attire toutes les énergies. Ainsi les USA ...
Grâce à l'internet l'individu enfin fait partie du monde, il se connecte, rencontre, échange, partage. En d'autres termes il participe. Il devient acteur. Ses opinions sont visibles, il réagit.
Son univers devient celui des autres provinciaux ayant les mêmes goûts. Ils créent ensembles des sites thématiques qui attirent de nulle part des amateurs concernés, ils se lancent dans l'aventure des «
jeunes pousses ». Le monde leur appartient, le monde est au bout de la souris.
Alors par un effet bien connu le provincial devient celui qui n'est pas sur le réseau. Le con, le retardataire, le pithécanthrope avec son stylo bille, son appareil photo mécanique, son chien vivant et ses voyages réels (salissants et risqués).