Catastrophes, désastres et fin du monde, les shadoks gouvernent !
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Catastrophes, désastres et fin du monde, les shadoks gouvernent !

L'aube du troisième millénaire était attendue comme l'avait été le messie 2000 ans plus tôt. Une mutation de la société devait se produire qui transformerait une succession de siècles gris, matérialistes et pour tout dire banals en un « siècle spirituel ou pas du tout » selon le mot (approximatif) de Malraux. Ce passage devait être marqué par des festivités extraordinaires et par un problème technique mondial, le fameux bug ou bogue de l'an 2000. Ce bug avait vêtu des oripeaux catastrophiques qui lui donnaient une dimension magique et même initiatique puisque le monde technologique devait payer sa légèreté, son imprévoyance, son arrogance à minuit pile l'heure du crime. Les gouvernants avaient pris leurs vacances avant la date fatidique pour être sur le pont le jour J comme le capitaine d'un navire en perdition. « Les femmes et les enfants d'abord » criait-il naguère avant de périr, « le CAC40 et le Dow Jones d'abord » s'apprêtaient-ils à beugler du haut de leurs ministères !

Total3.gifOr de boum boum attendu, technologique, humain, bêtement humain il n'y eut point, mais deux catastrophes inattendues (sic), se produisirent (mis à part le fabuleux couac de la tour Eiffel - quelques heures avant le passage l'horloge à rebours s'éteignit, comme si la technique, effrayée par ses propres dérives rechignait à franchir le pas - on appelle ça un pied de nez, ou un doigt dans le cul, ça dépend du vent).

Ces deux désastres se passèrent à un moment où la vacance du pouvoir était flagrante. Nos dirigeants en villégiatures baguenaudaient. Seule Dominique Voynet était présente. Sa réaction rationnelle, forcément rationnelle devant la marée noire irrita. On apprit ainsi qu'un ministre se devait non pas d'être objectif, logique, froid dans ses bottes mais près des gens qui souffrent, compatissant avec les malheureux, et surtout, surtout qu'il ne devait en aucun cas hiérarchiser les malheurs des lors qu'ils touchaient ses ouailles : marée noire contre Venezuela, ça faut pas dire Dominique, c'est mal !

Ces deux catastrophes que la presse s'empressa d'opposer : la naturelle -tempête- contre la technique -marée noire- apparaissent aujourd'hui de plus en plus comme semblables sinon jumelles. Si l'une est imputable sans aucun doute au système économique ultra-libéral (concurrence, pavillon de complaisance, consommation d'énergie croissante etc.) l'autre a comme origine un changement progressif du climat provoqué par le réchauffement de la terre (effet de serre). Le pétrole de l'Erika est doublement maudit : brûlé, il empoisonne l'atmosphère, liquide, il souille la mer.

Ainsi il apparaît que les deux drames sont intimement liés et que si des responsabilités peuvent être clairement identifiées comme le fait aujourd'hui la commission d'enquête sur la marée noire, ces responsabilités industrielles ne doivent pas faire oublier les responsabilités politiques. Le « tout pétrole », la course au profit, la dérégularisation, la concurrence mortelle et la mondialisation sont les conséquences de choix ou de carences politique.

L'abus de champagne ne rend pas malade dit-on, pourtant le troisième millénaire a commencé avec une gueule de bois carabinée, celle des banquets mal arrosés et des « abus de biens universaux » dont sont victimes les citoyens.


Nicolas Woerner © le Soleil se lève à l'Est - 16/01/2000 - Ville de Talange - Nauroy-Rizzo - micro-Momentum